mercredi 24 octobre 2012

Ecrire, chanter et jouer en francoprovençal au XXI° siècle


La fête du francoprovençal, fête de nos patois, se déroule tous les ans en septembre dans l'aire arpitane qui s'étend de la région Rhône-Alpes en France, au Val d'Aoste en Italie et à la Suisse romande. La 33ème édition se déroulait cette année à Bourg en Bresse. Michel Rousset, président de notre association y fit le 22 septembre 2012 une brillante intervention que nous vous laissons découvrir.


Notre Association, lu z'Arpelauds, née en 1990 s'est donnée comme objectif premier, sans doute comme beaucoup d'autres, la défense et la promotion de la langue régionale en Nord Isère. Pour ce faire nous avons commencé par l'urgence: réunir et écouter les anciens, les mémoires vivantes de notre canton , le pays Roussillonnais. Nos premières réunions ont permis de patoiser entre patoisants , de compiler mots, expressions, règles syntaxiques, etc... Un travail d'académicien qui devrait nous permettre d'éditer prochainement un dictionnaire. Un travail de sauvegarde, nécessaire, indispensable mais pas suffisant à nos yeux.

Pour élargir le cercle des initiés , pour faire découvrir le francoprovençal à ceux qui ne le pratiquent pas ou n'en connaissent que quelques bribes, pour le transmettre aux nouvelles générations qui ne l'apprennent plus sous le toit familial, nous nous sommes engagés sur deux autres pistes :

  • celle, plus conventionnelle, des conférences culturelles où nous présentons le fruits de 20 années de recherches à la demande des médiathèques , des écoles et des associations intéressées 
  • et celle, plus populaire, du théâtre combinant écriture, mise en voix et mise en scène. Finalement notre parcours s'inscrit parfaitement dans ce colloque: le francoprovençal nous l'avons d'abord parlé , nous l'avons ensuite écrit in fine pour le jouer.

Nous sommes ainsi devenus des théâtreux rassemblant , tous les deux ans plus de 1500 spectateurs de tous les âges qui n'attendent qu'une chose : le prochain spectacle...à savoir celui du premier wek-end d'octobre 2013, salle Dufeu , à Péage de Roussillon.
Le théâtre s'est vite avéré être un vecteur précieux pour que vive et survive la langue régionale.

  • sur le plan interne, au sein de l'association, le théâtre incite à la création et au travail collectif :
 -six mois sont consacrés aux ateliers d'écriture sur un thème choisi ensemble, à la recherche du scénario.
-six mois sont consacrés, aux répétitions, à la mise en voix et à la mise en scène.
Tous les volontaires -à savoir une bonne cinquantaine- montent sur les planches, selon l'expression consacrée. Chez les Arpelauds il n'y a pas de casting.

  • sur le plan externe, le théâtre fait oeuvre médiatique et pédagogique. Il permet aux spectateurs avertis de réentendre une langue hélas de moins en moins pratiquée. Il permet également aux néophites de découvrir une langue et de la décoder grâce à l'intrigue, à la situation, à l'expression corporelle et surtout par le truchement de quelques répliques en français très appréciées par le public.
Plus concrètement, nos créations théâtrales concernent souvent notre terroir avec sa toponymie, ses figures locales. Elles s'en éloignent parfois pour jouer l'immersion dans un autre monde, ce fut le cas avec «Lu z'Arpelauds à Paris». Nous avions mis en scène plusieurs tableaux avec entre autres, une visite du Louvre : le guide débitant en français, les Arpelauds réagissant en franco provençal.

Nous revisitons parfois fois l'histoire. Ce fut le cas avec «Lu z' Arpelauds dans la cave à Jules en octobre 42», une cave où ont défilé miliciens, résistants, soldats allemands, parachutiste anglais , réfugié espagnol, juive polonaise, chacun parlant sa langue, y compris celle des Arpelauds . Un florilège.Une comédie dramatique où l'émotion le disputait au rire.

Nous vivons aussi le temps présent En 2011, avec « Lu z'Arpelauds embringa dian la politique» ou la liste « changeons tout» à succéder à la liste «changeons rien» pour le meilleur et pour le pire ; spectacle qui s'est terminée par une Arpelaude maire député candidate aux présidentielles 2012 reprenant le fameux «yes we can» d'Obama par un «oua ne poye» bien de chez nous. Malheureusement le cap des 500 signatures n'a pas été atteint pour briguer l'Elysée.

Notre théâtre est souvent intemporel, concernant aussi bien hier aujourd'hui que demain. Ce fut le cas avec «Lu z'Arpelauds an pra la guigne», une farce à l'italienne avec moult gags du type « quand ça veut pas,ça veut pas »... ce fut aussi le cas avec « Lu z'Arpelauds an predu la Berthe», une énigme policière avec suspens pistes et fausse pistes afin de la retrouver saine et sauve.


Nous avons également, une fois n'est pas coutume , mis en scène une petite comédie musicale . Ce qui peut convenir aux chorales tenter par le théâtre. Maître de chant et metteur en scène travaillant de concert.
Nous affectionnons particulièrement l'humour décalé et l'auto dérision, le choc de civilisation entre des patoisants beaucoup plus futés qu'ils ne paraissent et un monde dit moderne qui, trop souvent bouge pour bouger, change pour changer, parle pour parler, addict de la mode du portable et du paraître.

Nous sommes ce que nous sommes , fidèles à notre devise « souvent coquins , parfois rebelles , jamais méchants...»

Le côté ludique du théâtre permet de mettre en valeur la truculence des expressions de notre langue régionale, de jouer avec les mots, d'affirmer une identité linguistique dont sont issus de très nombreux régionalismes dauphinois. Beaucoup de non patoisants découvrent qu'en fait ils patoisent sans le savoir comme le faisait Monsieur Jourdain.

Ce patois longtemps décrié nous en revendiquons sa dénomination populaire. Ce n'est pas un gros mot, à nous de le réhabiliter. Il était l'expression du savoir faire et du bon sens paysan d'autrefois. Il peut également être l'expression d'une actualité voire même d'une fiction vécue ou imaginée aujourd'hui C'est même la condition sine qua non pour rester une langue vivante.

En conclusion j'ajouterai que nous avons également écrit une trentaine de sketches . Une dizaine d'entre eux viennent d'être filmés et édités en livret DVD , en partenariat avec la région Rhône Alpes. 

Merci à elle pour la sauvegarde d'un patrimoine qu'elle encourage. Merci à vous de m'avoir si gentiment écouté.

Michel Rousset

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